ECHANTILLONS : étape #3, le DNA barcoding et le conditionnement

La dernière étape consiste à identifier les différents organismes récoltés. Pour cela, des spécialistes de certains groupes sont présents à terre (Stéphane Hourdez pour les annélides, Yuri Kantor, Tanya Steiker, Ellen Strong, Philippe Bouchet, Virginie Héros pour les mollusques, Paula Martin-Lefèvre et Maria Inmaculada Frutos pour les crustacés, et Line Le Gall pour les algues). A bord, des spécialistes sont également présents pour identifier d'autres groupes (par exemple Nadia Améziane pour les échinodermes, Nicolas Puillandre et Pierre Lozouet pour les mollusques, Todd Ptong pour les poissons, Daniella Pica pour les coraux et Sarah Samadi pour la faune cryptique).

Ce moment est également l'occasion de récolter des tissus de nombreux spécimens, afin d'en extraire l'ADN. Ils permettront d’établir une base de données établissant le lien entre une séquence d’ADN d’un individu et l’espèce à laquelle il appartient.



Qu'est-ce qu'un barcode moléculaire ? 

Un barcode moléculaire est un fragment d’ADN présent chez tous les organismes vivants. La séquence de ce fragment d’ADN est quasiment identique chez des individus qui appartiennent à la même espèce, et permet donc de déterminer l’espèce à laquelle appartient un individu en ne connaissant que la séquence de ce fragment d’ADN. 

Le fragment choisi est un gène du génome mitochondrial codant pour la première sous-unité du cytochrome oxydase (COI), une protéine qui intervient dans la chaîne respiratoire de la mitochondrie. Chaque cellule contenant de nombreuses mitochondries, le gène COI est présent en de nombreuses copies, ce qui facilite son séquençage. De plus, ce gène présente un niveau de variabilité intéressant : les différences entre les séquences de ce gène chez différents individus, apparues par mutations au cours du temps, sont faibles entre les individus d’une même espèce et élevées entre des individus d’espèces différentes. C’est ainsi que cette séquence d’ADN peut être utilisée, à l’instar des code-barres utilisés dans le commerce, comme un outil d’identification taxonomique des organismes vivants : tous les individus d’une espèce présentent des séquences identiques ou très proches, ce qui va permettre l’identification d’un spécimen en comparant sa séquence avec celles des espèces connues. De nombreux barcodes ADN ont déjà été séquencés pour de nombreux organismes tels que les oiseaux, les poissons ou les insectes, dans le cadre de projets « barcoding of life », lancé en 2003 par P. Hebert et son équipe (https://www.boldsystems.org/).


Un des travaux effectués pendant de l’expédition KANAMECO consiste à prélever des échantillons de tissus de plusieurs spécimens pour toutes les espèces de mollusques, en vue d’établir leur barcode ADN. Les taxonomistes sur place identifient les spécimens récoltés en les attribuant à une famille, un genre ou dans le meilleur des cas à une espèce. Le numéro du spécimen, son identification taxonomique et l’ensemble des informations liées à sa récolte (date, lieu, substrat,…) sont reportés dans une base de données. 

Yuri Kantor, membre de l'équipe barcode 
Les gastéropodes et les bivalves en particulier nécessitent un travail spécifique pour la conservation de l’ADN. La coquille, parfois fermée par un opercule, permet à l’animal de se rétracter complètement. La fixation des tissus et la préservation de l’ADN (en remplaçant l’eau des tissus par de l’alcool) est dans ce cas très difficile. Au préalable, l’animal est placé 1 seconde au micro-onde, ce qui a pour effet de faire sortir tout ou partie de l’animal de sa coquille. Une morceau de tissu peut alors être prélevé, le plus souvent dans le pied de l’animal (ou dans les pièces musculaires pour un bivalves), et placé dans une plaque MATRIX de 96 tubes, chacun contenant de l’alcool à 95%. L’animal est ensuite fixé et préservé entièrement dans de l’alcool à 80%. 








De retour au Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) de Paris, l’ADN sera extrait des cellules et le gène COI sera séquencé. C’est principalement à cause du protocole spécifique aux gastéropodes et aux bivalves que trois scientifiques travaillent à plein temps à l’échantillonnage de l’ADN dans le groupe Barcode de la campagne KANAMECO.


Les séquences d’ADN obtenues, associées au nom de l’espèce sur laquelle l’ADN a été prélevé, permettront la constitution d’une base de données associant un nom d’espèce et l’ensemble des séquences d’ADN liées à ce nom. Plus tard, il sera possible de lire la séquence d’ADN d’un spécimen inconnu et de la comparer avec les séquences de la base de données pour identifier le spécimen.



Conditionnement des organismes en alcool


Pour tous les autres spécimens, ceux qui ne passent pas l'épreuve du Barcode, ils sont conservés en étant directement immergés dans de l'alcool, ramenés à Paris où, après encore bien des étapes ils seront décrit et étudiés par les chercheurs du monde entier.


Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN)

Zoothèque du MNHN




Article rédigé par Dr. Magalie Castelin et Valentin Dettling

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